Samedi 9 avril, 17h15 au théâtre de Saint Maur, ambiance vernissage et tenue de circonstance, je n’aurais pas dû venir en jean… Me voilà embarqué pour un « Théâtrolab » ayant pour thème « Le boxeur : sportif ou voyou ? ». Guidé par mon ami Guy Louandre, je redécouvre le hall de ce théâtre où mes activités professionnelles auxquelles s’ajoutent celles de bénévole me laissent peu le temps de venir. Je profite d’être en avance pour découvrir l’exposition qui s’y tient jusqu’au 20 mai : Une bibliothèque d’ouvrages dédiés à la boxe et aux boxeurs, un panneau rappelant « Saint-Maur et la boxe, une longue histoire… » où, parmi d’autres, figurent quelques photos de Jean-Baptiste Piedvache et Serge Damotte jeunes. Une conclusion et son corolaire s’imposent : ils devaient faire tomber les filles, j’aurais dû faire de la boxe. Plus loin, du Street Art, sur un autre panneau, les légendes de la boxe racontées par Guy, vision sentimentale de quelques-uns de ceux qui ont fait la boxe depuis plus d’un siècle.
17h30, les choses sérieuses commencent, nous nous installons dans la salle Radiguet, mi salon, mi salle de spectacle, fauteuils rouges et plafonniers pour artifices. Les intervenants sont installés au devant de la scène, Catherine Gravil journaliste et écrivain spécialiste de la boxe, Jean-Baptiste Piedvache, champion d’Europe maintenant président de la section Boxe de la VGA Saint-Maur, Dominique Delorme, boxeur aux 70 combats dont un championnat de France et encore entraîneur de boxe. La discussion peut commencer, mais par où ? Durant deux heures, du passé glorieux et médiatique de la boxe à l’époque actuelle, les sujets s’entrecroisent entre passé des boxeurs, grandes années de la boxe, ce que la boxe peut apporter, regards sur la boxe actuelle…
Le boxeur qui est-il ?
« Je suis entré dans le club j’avais 13 ans. Serge Damotte m’a demandé ce que je venais faire. Je lui ai dit que je voulais être champion. » Jean-Baptiste Piedvache explique de cette façon son entrée dans la boxe grâce à celui à qui il restera fidèle toute sa carrière et encore à ce jour. D’une famille très modeste, après six mois dans les rues, il n’avait pas d’argent et la boxe était une opportunité. Dominique Delorme décrit un parcours similaire. Issu d’un milieu modeste et en recherche de lui-même, il dit « j’étais un peu voyou et un peu perdu », la boxe était une porte de sortie.
Peut-être devient-on boxeur parce que la boxe apparaît aussi comme une évidence car, à l’opposé de la vie où les problèmes peuvent surgir de toutes parts, sur un ring « on sait d’où viennent les coups » comme l’explique Dominique : il n’y a que l’adversaire et aucun artifice.
Une autre explication tient peut-être au fait que la boxe recompense le travail et la persévérance. À l’unisson, les deux boxeurs et entraîneurs expliquent qu’« il vaut mieux être un boxeur travailleur qu’un boxeur talentueux » car « les talentueux au bout de quelques années ont tendance à s’entrainer moins ». Jean-Baptiste Piedvache souligne « je courais 15 km et m’entraînais deux heures et demi chaque jour ». A une autre occasion, je l’avais d’ailleurs entendu dire « j’ai attendu trois heures mon match avec mes gants. Au moment où je suis monté sur le ring, je ne sentais plus mes poings. »
De la boxe d’hier et de celle d’aujourd’hui
« Dans les salles parisiennes comme la salle Wagram ou lors des galas au Cirque d’Hiver, il n’y avait pas une place libre et l’ambiance était survoltée » se souvient Dominique Delorme.
« La boxe a occupé le devant de la scène médiatique jusqu’aux années 1970 avant de céder la place au football qui, grâce aux succès de Reims en Coupe d’Europe et de l’équipe de France à la coupe du monde 1958, montrait depuis deux décennies le bout de son nez » précise Catherine Gravil qui ajoute que « de nos jours, avec la multiplication des fédérations internationales – dix-neuf aujourd’hui contre deux il y a un demi-siècle – et la création de catégories intermédiaires de poids, il y a pléthore de champions déclarés rendant de fait impossible au public de s’identifier à son héros ».
De la boxe en général et de celle d’aujourd’hui en particulier
Un constat est établi. La boxe n’est plus « comme à la grande époque » pour l’instant. Mais Jean-Baptiste Piedvache relativise : « la boxe a ses cycles de 20 ans, mais les boxeurs ne changent pas. », et, à propos des pratiquants, : « il y a ceux que l’on amène et ceux qui viennent. Les premiers restent moins et tous ne seront pas des champions mais ils auront tous appris quelque chose : le respect d’eux même et des autres. »
Choisissez votre conclusion
Pour ma part, enfant laborieux et esprit lent durant toutes mes études, j’ai choisi d’être bénévole depuis quinze ans dans le cadre de l’enfance, en particulier pour la VGA, parce que chacun a sa façon d’apprendre et elle n’est pas toujours dans le strict cadre scolaire. Je suis devenu entrepreneur il y a quelques années. J’aime l’idée de voir les difficultés en face sans filtre et sans artifice. Je ne sais pas ce que l’on apprend sur un ring, mais pour apprendre à connaitre les boxeurs, j’ai rarement rencontré des gens aimer autant la vie. Alors peut-être est-ce à s’aimer tout simplement.
Alaric de Laroque, Auteur et protagoniste.
Au delà de ces évocations, parfois émues, souvent passionnées, toujours instructives, la conclusion reste positive. Les salles de boxe continuent d’être des lieux où se transmettent des « valeurs de vie » : respect – de soi-même, de l’adversaire, de l’arbitre – et bonne tenue, goût de l’effort et du travail, en résumé des lieux où sont formées des personnes qui seront dotées de « mens sana in corpore sano », l’esprit sain dans un corps sain cher à Juvénal, et qui auront, comme le disait Pierre de Coubertin, « mens fervida in corpore lacertoso » , « un esprit ardent dans un corps musclé ».
Guy Louandre, Contributeur et protagoniste.
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Un grand merci à l’équipe du Théâtre de Saint Maur pour son travail et son accueil.
© Photos Alaric de Laroque